La méritocratie, sujet vaste et controversé apparu dans les années 50 fut théorisé par le sociologue anglais Michael Young dans son ouvrage The Rise of the meritocrathy. Elle constitue, selon le dictionnaire du Robert, la hiérarchisation de la société s’appuyant sur le mérite individuel, par opposition au modèle sociétaire théorisé par le sociologue français Pierre Bourdieu.
Mais est-il possible aujourd'hui de mentionner son existence au sein de la société française ? L’ascension sociale dénuée de toute influence du milieu d’origine est-elle effective ? Quelle est la place de l’État dans cette entreprise du « pouvoir au méritant » ?
Pour ce qui est de la santé méritocratique à la française, selon l’auteur David Guilbaud, notre pays est l’un des pires en termes de mobilité sociale. En effet, dans une interview à France Inter le 13 mars 2023, il déclare « Les études de l'OCDE le montrent bien, le système scolaire, aujourd'hui, échoue à compenser les inégalités d'origine, notamment dès les premières années du cursus. C'est un des facteurs qui a contribué à ça en France, c'est le fait qu'on a très longtemps mis l'accent, en termes budgétaires, sur les années les plus tardives du cursus comme le lycée et l'université, au détriment des premières années de l'école élémentaire et maternelle. Il y a un peu un changement de paradigme qui est en cours avec les dédoublements de classes, le renforcement des efforts sur les premières années, mais il faut en faire plus. ».
Il met ainsi en jeu l’importance de l’intervention de l’Etat au cours des premières années de la scolarité, au cœur de la socialisation primaire, et ce afin de diminuer les écarts de chances de réussite entre les individus sur le long terme. Nous n’en ferions « pas assez » pour reprendre ses dires, mais comment faire ? Il aborde alors le redoublement, l’insistance sur les premières années par exemple…
D’un autre côté, David Guilbaud considère la méritocratie comme un outil de « la bonne conscience des gagnants du système ». Ainsi, elle ne serait qu’un outil politique, idéologique, porté par ceux qui réussissent pour se conforter dans leur légitimité, qui pour certains est montée de toutes pièces.
« Méritocratie », le mot qui est à la bouche d’un nombre d’élitaires, « ceux qui sont au-dessus » : le 20 mai 2022, Pap Ndiaye alors qu’il était ministre de l’éducation déclarait « Je suis un pur produit de la méritocratie républicaine dont l’école est le pilier ». À quoi reviendrait le fait de s’opposer à un concept qui, dans la logique, « va de soi » ? Un concept qui veut que celui qui donne le meilleur de lui parvienne à une position sociale flatteuse… tout le monde aimerait y croire. Le problème réside dans l‘expression « égalité des chances », car non, statistiquement et en termes sociologiques, différents critères contribuent à une hiérarchisation de la société, et ce sous le grande influence de la socialisation primaire, de l’origine sociale, de celle de ses parents, et ainsi grands-parents par pure « reproduction sociale ». Tout réside ainsi dans le rôle que les institutions vont y jouer, en régulant notamment l’entrée dans les grandes écoles par création de quotas, ou encore le maintien des bourses d’études pour les personnes en besoin. Ce rôle, s’il est plus ou moins fort, peu permettre un basculement de la situation, dans un sens comme dans un autre. Mais il est important de rappeler que le terme « méritocratie », au même titre que celui de « démocratie », est un idéal idéologique, en ajoutant que l’idéologie est un extrême, un « must » à atteindre. Mais l’application dans sa finalité serait malheureusement impossible.