Parmi toutes les œuvres que Molière a écrit, l’une d’entre elles reste dans l’histoire comme celle qui l’a vu mourir sur scène : Le Malade Imaginaire. Cette pièce contant l’histoire de la jeune Angélique qui souhaite se marier au bon Cléante dont la grandeur d’âme n’a d’égal que ses talents musicaux. Malheureusement, comme dans toute bonne histoire non pas un mais deux éléments perturbateurs viennent s’opposer à cette union si belle et contrarient les projets des deux amants. D’abord, son père, le malade Argan souhaite que sa fille épouse le fils de monsieur Diafoirus, un jeune médecin ; dont le nom nous fait penser à ce que chaque personne dépose sur ses toilettes le moment venu. Puis sa belle-mère, la très vénale Béline souhaite l’envoyer, avec sa sœur, dans un couvent afin de récupérer l’intégralité de l’héritage. Tout ceci était sans compter sur l’exceptionnelle Toinette, la servante, et sur Béralde, le frère d’Argan, qui vont tout faire pour qu’Angélique et Cléante puissent se réunir et s’aimer.
De nombreuses choses rendent cette pièce exceptionnelle. D’abord et ce malgré leur faible nombre, le nom des personnages est à chaque fois brillamment trouvé et terriblement croustillant. Les Diafoirus, père et fils, en sont un très bon exemple. La simple évocation de leur patronyme évoque la colique et chaque prise de parole du fils illustre la diarrhée verbale ; ce que Platon disait « Les sages parlent parce qu’ils ont quelqus chose à dire ; les imbéciles parce qu’ils ont à dire quelque chose » s’applique parfaitement à ce jeune homme. C’est aussi le cas d’Argan dont le nom peut être apporté de la seule chose qui lui reste : l’argent. Cet argent qui entraine Béline, qui ne possède que la beauté comme son nom l’indique, à rester avec lui par seul intérêt pour sa bourse et non par amour. L’étymologie des prénoms des amoureux les rapproche de l’altruisme et de la bienveillance qui leur sont propres. Tenons pour preuve que Cléante est un prénom relié à la bonté et Angélique signifie ange.
En plus des noms, Molière dresse une satire violente et cynique des médecins. Celle-ci rend Le Malade imaginaire intelligent et extrêmement addictif. Malgré ce que l’on pourrait penser, le grand Molière avait une immense connaissance de la médecine et des différentes théories en vogue ou non à son époque. Cela lui permet d’offrir une vraie réflexion et de peindre de manière très réaliste la façon dont les docteurs de l’époque se comportaient. Leur suffisance avec leurs patients qui sont, même, plus proche des clients que des patients en raison des soins qui leur sont vendus une fortune et dont l’effet le plus courant n’est pas la guérison mais bien la mort. En somme, l’intelligence de ce livre et la satire des médecins le rend drôle et addictif mais ce qui finit de le rendre exceptionnel, c’est bien le ballet qui l’accompagne. En dépit de la mise en scène communément admise ne comportant pas d’intermèdes, Le Malade imaginaire est une comédie-ballet comportant trois intermèdes tous aussi comiques les uns que les autres. Les deux premiers ont un côté comique manifeste mais n’ont rien d’exceptionnels. Cependant, le troisième intermède est un chef d’œuvre. Molière y dresse une critique des médecins encore plus acerbe que dans le reste de l’œuvre. Il fait d’Argan, le malade imaginaire, un médecin et fait parler les autres personnages, médecins aussi, dans un mélange de Latin et de français pour leur donner un air savant. Sauf que, une fois la traduction du discours faite dans un français plus classique, le lecteur se rend compte de la bêtise de la médecine de l’époque du Roi soleil et ne peut faire qu’une seule chose : la railler.
Ce qui fait de Jean-Baptiste Poquelin un génie est sans aucun doute son verbe. Ce verbe qui met en valeur absolument tous les comiques que Molière touche et il les touchait tous. En plus de ses capacités de dramaturge, de son refus de voir un haut comique et un bas comique, pour lui tous les comiques sont dignes d’intérêts, sa connaissance très poussée de la majorité des sujets qu’il traite permet au lecteur de s’instruire tout en se divertissant. Cette instruction passe par les réflexions qu’il formule dans ses pièces et qu’il invite le lecteur à avoir comme par exemple celle sur les médecins et la médecine que nous avons vus précédemment. Malgré les fondements de ceux-ci, l’auteur ne peut s’empêcher de grossir les traits, souvent, et de caricaturer, parfois, les sujets qu’il traite. De plus, Molière a été un esprit novateur pour le théâtre. Il a popularisé de nouvelles formes théâtrales comme la comédie-ballet, dont Le Malade imaginaire en est l’un des meilleurs exemples, avec le compositeur Jean-Baptiste Lully. Par ailleurs, son utilisation de la scène et des décors, qui devaient changer très vite en raison de la fonte des chandelles, ont permis au théâtre de devenir plus dynamique et vivant. Tout comme celle de costumes et accessoires qui ont permis de renforcer le comique de ses pièces.
Bref, tout ça fait de Molière l’un des plus grands dramaturges que la langue française a connu, c’est d’ailleurs pour ça qu’il est considéré comme le patron de la Comédie-Française et que l’on peut, assez aisément, conclure qu’il est un génie.